Skip to content

Le Courrier L'essentiel, autrement

Je m'abonne

Des comptes à l’équilibre, mais à quel prix?

La situation financière du journal s’étant fragilisée, cette année nous publions nos comptes en amont de notre assemblée générale.
, directeur administratif
Alors que la perte de notre lectorat papier continue au rythme régulier de 5% annuellement, nous constatons une stabilisation du nombre global de nos abonnements. MARIA MOSCHOU
Comptes 2024

Chère lectrice, cher lecteur, cette année, nous publions nos comptes en amont de notre assemblée générale qui se tiendra finalement après la pause estivale. Nous les publions maintenant, car la situation nous incite à la transparence. En effet, bien que quasi à l’équilibre (-3403 francs), l’exercice 2024 représente en fait une situation financière fragile. Si nous profitons d’une accalmie, les raisons en sont exceptionnelles et reposent aussi sur les sacrifices salariaux des 38 employé·es du journal.

>Lire aussi notre édito: «Le Courrier» publie ses comptes 2024 

Recettes: des événements inédits qui cachent une réalité difficile

Les faits déterminants dans notre résultat proviennent, premièrement, du versement d’un dividende extraordinaire de 47 000 francs de notre assurance perte de gain pour les années 2021 à 2023. Il nous a été communiqué en fin d’année et représente une manne aussi bienvenue qu’exceptionnelle.

L’autre raison est la dissolution d’une dette parvenue à échéance en 2024 pour un montant de 59 000 francs. Cet élément non monétaire clôt un vieux dossier, avec un impact positif sur notre résultat comptable.

Enfin, à cela s’ajoute le sacrifice ­partiel du 13e salaire voté par les employé·es pour un montant total de 48 900 francs. Cette décision collective, douloureuse, intervient dans une période de doute quant à l’avenir du journal qui voit son équilibre arriver à une certaine bascule. En effet, ces différents éléments réduisent nos pertes pour un montant total de 154 900 francs, ce qui correspond à peu près à nos projections budgétaires pour 2024. En résumé, nous parvenons à maintenir un équilibre financier de manière exceptionnelle mais la réalité reste fondamentalement la même, il nous manque près de 200 000 francs par an pour pouvoir assurer notre équilibre financier.

Une stabilisation de nos revenus bienvenue, mais pas suffisante

Alors que la perte de notre lectorat papier continue au rythme régulier de 5% annuellement, nous constatons une stabilisation du nombre global de nos abonnements – y compris les déclinaisons sur le web de notre titre – aux alentours de 7400 et donc des revenus associés à ceux-ci, soit 2 723 028 francs. La vente d’espace publicitaires se stabilise elle aussi aux environs des 466 000 francs, grâce à nos fidèles partenaires mais aussi aux soutiens par le biais de la publication d’annonces de plusieurs collectivités publiques romandes. Du côté des subventions rédactionnelles, nous bénéficions de la contribution à notre rubrique Solidarité de la Fédération genevoise de coopération (FGC) et de celle de nos pages Ecologie, par le Service Agenda 21 de la Ville de Genève pour un montant total de 80 000 francs.

Coûts directs maîtrisés au-delà des conditions de travail

Au niveau des coûts directs, nous bénéficions d’une stabilisation des frais d’impression auprès de notre précieux partenaire, l’imprimerie ATAR à Genève. Les frais de distribution continuent eux cependant d’augmenter, en attendant les effets de la hausse de l’aide indirecte à la presse, votée par les Chambres fédérales mais attaquée par voie référendaire. Par ailleurs, la réduction de la couverture de l’actualité vaudoise et nationale de notre partenaire La Liberté voit nos frais d’agences – une ligne qui inclut le paiement des articles fournis par nos partenaires – baisser légèrement puisque les échanges de contenus rédactionnels fléchissent en notre faveur. Ce qui ne va pas sans poser d’autres défis à nos équipes, contraintes de pallier cette réduction. Une révision de nos frais de télécommunication, intervenue au courant de l’année, permet de baisser légèrement nos frais divers pour environ 10 000 francs en 2024 et pour les années à venir.

Plus de 80% de notre travail est financé par notre lectorat. La publicité provient majoritairement de nos partenaires culturels et des collectivités publiques, ce qui contribue à préserver notre liberté éditoriale.

Les sacrifices salariaux comme variable d’ajustement

Cependant, nos frais structurels sont en hausse, et ce malgré une masse salariale fondamentalement identique, légèrement en dessous de 27 équivalents temps plein (26,7 ETP). La hausse naturelle des charges salariales est principalement due à l’indexation des salaires au renchérissement de 1% (26 000 francs) et le versement d’annuités (23 000 francs). Pour rappel, alors que l’Indice des prix à la consommation (IPC) pour un ménage moyen est évalué à 6,2% sur les cinq dernières années (2020-2024), Le Courrier n’a procédé qu’à une indexation des salaires de 2% au cours de cette même période. En outre, face une situation plus qu’incertaine, le personnel a collectivement proposé, pour la deuxième année consécutive, d’amputer son 13e salaire pour une somme totalisant presque 50 000 francs. Aussi, les difficultés financières pèsent principalement sur les conditions salariales et sont compensées par les sacrifices des employé·es, puisque les autres pistes d’économies restent très limitées, voire épuisées.

Des financements externes en hausse et l’engagement continu de nos donateur·trices

Face à l’érosion des abonnements, Le Courrier peine à trouver des financements externes devenus aujourd’hui des composants essentiels à la survie des titres. Ces apports sont indispensables, non seulement pour combler le déficit structurel, mais aussi pour procéder aux investissements nécessaires à la survie du quotidien. L’année 2024 a vu un soutien de la Ville de Genève pour la rubrique Ecologie (cf. contribution rédactionnelle) pour une somme de 60 000 francs sur deux ans. Cependant, la difficulté de lever des fonds pour la mise à jour de notre site internet, devenue impérative, nous a obligé·es à financer majoritairement nous-mêmes la première partie de ce projet, avec toutefois une aide du canton de Vaud (5000 francs).

Concrètement, pour faire face à un déficit structurel en progression, à près de 700 000 francs, nous avons pu compter sur nos fidèles abonné·es et donateurs·trices avec une souscription totalisant 324 000 francs cette année. A cela s’ajoute le précieux soutien de la Fondation Aventinus pour un montant de 215 000 francs. Du côté des communes, la Ville de Genève nous a de nouveau accordé sa Bourse de soutien aux médias, pour notre projet de médiation (14 700 francs), soit l’organisation de débats autour des votations et des enjeux politiques. Mais les efforts consentis dans la recherche de fonds ne nous donnent aucune garantie sur l’avenir. Ces démarches, parfois fastidieuses, nous demandent de déployer de plus en plus de ressources pour le développement de dossiers et de rapports.

Un chemin difficile à l’épreuve de notre détermination

Pourtant, alors que notre avenir paraît semé d’embûches, nous sommes déterminé·es à tenir bon dans un environnement économique de plus en plus compliqué pour l’ensemble des médias. Il ne s’agit pas seulement de nos emplois ni ceux de nos imprimeurs, mais bien celui d’une profession et d’un savoir-faire au service d’une information diversifiée et critique.

Nous continuerons donc à nous battre pour la survie de la presse régionale, en portant la voix des 4500 signataires de notre récent appel aux acteurs politiques et économiques de notre région. Nous réaffirmons, par ailleurs, notre volonté de ne pas procéder à des licenciements et de préserver ainsi notre mission collective consistant à fournir une information de qualité. Mais les sacrifices salariaux, tels que consentis au Courrier, dans un environnement professionnel déjà précaire, ne peuvent continuer à représenter la seule variable d’ajustement.

Appel à la responsabilité et aux actes

Alors qu’on se le dise. Le Courrier, déjà à l’os, ne pourra survivre bien plus longtemps sans une forte réaction de la population attachée à la pluralité de la presse, mais aussi celle des collectivités publiques, des responsables politiques et économiques. Sans cela, nous serons alors forcé·es de prendre des mesures d’économies regrettables pour la qualité des débats publics, tels que des licenciements et la réduction du nombre de parutions qui ne feront que détériorer notre couverture de l’actualité.

Sans réponse rapide, notre modèle économique, basé principalement sur le financement de l’information par ses usager·ères, est voué à l’échec. C’est tout le sens de l’appel que Le Courrier a lancé cet automne pour sauver la presse. Un texte qui a été signé par 4500 personnes, lecteurs, lectrices, syndicalistes, politiques, etc. Nous avons alimenté le débat sur les médias lors d’une soirée publique qui a été largement suivie. Nous apportons notre contribution en proposant des pages sur ces enjeux. Et nous portons cet appel auprès des pouvoirs publics – exécutifs, législatifs ou délibératifs –, des régies publiques, voire des acteurs économiques. Le but étant de rendre ces milieux attentifs à la nécessité de payer l’information à son juste prix, en souscrivant des abonnements sans chercher systématiquement à contourner les verrous d’accès payant, mettant en péril l’industrie des médias. Bref, les actes… et l’abonnement c’est maintenant.

Réduction du tirage estival

L’exercice budgétaire 2025 nous incite à la prudence et, ne souhaitant pas de nouveau sacrifices salariaux, il nous a semblé que la réduction de notre tirage estival représentait une économie, certes moindre mais nécessaire, sans impacter trop fortement notre lectorat majoritairement absent durant la pause estivale. C’est pourquoi, il a été décidé de procéder qu’à une seule édition hebdomadaire, comme durant la trêve hivernale, pendant deux semaines.

Nous sommes sincèrement désolé·es pour nos fidèles lecteur·trices, et nous tenons à leur témoigner que cette décision collective n’a pas été prise de gaieté de cœur. Nous espérons votre compréhension en vous assurant que nous ferons le nécessaire afin de vous proposer deux très belles éditions augmentées du 28 juillet au 8 août. Ce sont donc sept éditions supprimées sur les près de 250 annuelles. Cette mesure nous permet d’économiser environ 24 000 francs (l’équivalent du paiement des annuités) principalement sur les frais d’impression auprès de notre imprimeur ATAR, que nous remercions pour sa compréhension, et les frais d’envois postaux. Cette réduction permet aussi de relâcher la pression sur des équipes qui parfois peinent à remplir les pages durant la période estivale.

Nous invitons les personnes qui le souhaiteraient à nous contacter afin de procéder à la prolongation de leur abonnement en conséquence et nous vous souhaitons à toutes et tous un très bel été… malgré tout!

Autour de l'article

OSZAR »